Comment la réglementation pousse à un meilleur usage des données
La pression réglementaire sur les entreprises monte : transparence ESG, protection des données, reporting prudentiel bancaire, etc.
Ces contraintes ne sont plus uniquement des obligations à subir, elles peuvent devenir des leviers pour structurer les données, gagner en fiabilité et générer de la valeur.
1. Le cadre réglementaire : un « terrain de jeu » qui s’élargit
1.1 CSRD : l’extension du reporting extra-financier
La directive CSRD (UE 2022/2464) entrée en vigueur en 2024 et impose à un plus grand nombre d’entreprises de publier des “états de durabilité” (ESG).
En France, le décret du 28 février 2024 élève les seuils pour l’application : bilan minimum 450 000 €, chiffre d’affaires 900 000 €, 10 salariés pour les PME cotées (PwC).
En 2024, 50 000 entreprises en Europe sont désormais concernées selon KPMG, dont environ 3000 hors UE.
1.2 Reporting bancaire & exigence de l’EBA
L’EBA (European Banking Authority) travaille à optimiser les reportings réglementaires et à réduire leurs coûts.
L’EBA estime qu’en appliquant ses recommandations, les banques pourraient réduire leurs coûts de reporting de 15 à 24 % selon leur étude de coût de conformité.
En France, la production des reportings EBA (COREP, FINREP) coûte en moyenne 5,3 millions d’euros par an en Run-the-Bank (RTB), plus 3 millions € en changement (CTB) pour les transformations.
Pour les établissements intermédiaires, le total est de l’ordre de 7,5 millions €.
Ces normes exigent des données fiables, traçables, bien définies — autant de besoins que l’entreprise peut internaliser comme force.
2. Transformer la conformité en opportunité de data quality
2.1 Du contrôle à la qualité automatique
La conformité exige des contrôles de fraîcheur, de cohérence, de complétude. Plutôt que de les faire manuellement, les organisations peuvent les intégrer dans leurs pipelines :
- Data lineage automatique
- Alertes de drift (dérive)
- Règles de validation prédéfinies
Cela limite les rejets, les corrections tardives, et permet un reporting fiable dès le départ.
2.2 Standardiser les définitions & métadonnées
Pour la CSRD, chaque indicateur doit être défini, calculable, vérifiable. Cela oblige les entreprises à élaborer un catalogue sémantique ESG qui devient une ressource interne précieuse pour tous les métiers.
Cas concret
Une société industrielle a profité du chantier CSRD pour reconfigurer la collecte de ses données énergétiques, de consommation, émissions, etc.
- Avant : la collecte était manuelle, ponctuelle, avec des écarts de saisie.
- Après : automatisation via capteurs & API, validation automatique des anomalies.
Résultat estimé : une réduction de 80 % du temps de consolidation des rapports, et capacité de pilotage continu des indicateurs ESG.
3. Architecture et automatisation : la base de la conformité scalable
3.1 Plateforme de reporting ESG modulaire
Une architecture moderne permet de séparer la collecte, la normalisation, le stockage analytique et la diffusion.
Les modules ESG peuvent se greffer dans la plateforme BI existante.
3.2 Automatiser la chaîne de reporting
- Extraction automatique des données sources (ERP, capteurs, systèmes métier)
- Transformations, validations, calcul des indicateurs ESG
- Génération d’états pour régulateurs / parties prenantes
Cas concret
Un groupe de distribution, soumis à des obligations de traçabilité (alimentaire, chaîne logistique) a automatisé la remontée des données de flux, déchets, émissions dans ses entrepôts.
Résultat : obligation de transparence respectée et réduction de 30 % des ruptures de stocks, car mieux anticipées grâce à une vision intégrée.
4. Pilotage, gouvernance & coûts de conformité
4.1 Gouvernance transverse
La conformité ne se joue pas qu’à la DSI ou aux fonctions RSE : direction, finance, contrôle de gestion, métiers doivent s’aligner sur les définitions, processus et responsabilités.
4.2 Suivi des coûts & bénéfices
Mesurer les coûts unitaires de compliance (coût par indicateur, par rapport, par lot). Identifier les actions à ROI rapide (automatisation, consolidation).
Par exemple : un tableau de bord ESG interne pourrait coûter quelques milliers d’euros par mois d’infrastructure ; si une automatisation supprime 20 % du coût, c’est un gain direct.
Cas concret
Une institution bancaire a intégré les obligations EBA dans son usine de reporting : les mêmes pipelines de données alimentent les reportings réglementaires et les tableaux d’aide à la décision.
- Coût marginal de l’ajout des indicateurs réglementaires : ~ 5 à 10 %
- Gain induit : réduction du temps de contrôle manuel et d’erreurs, consolidation multi-reporting
5. Risques, défis & bonnes pratiques
5.1 Risques courants
- Manque de gouvernance : divergence des définitions entre métiers & conformité
- Données manquantes ou biaisées
- Surcharge de reporting : trop d’indicateurs inutiles
- Surcoût humain : consultants, contrôleurs, audits
5.2 Bonnes pratiques
- Prioriser les indicateurs “matériels” (ceux qui comptent)
- Mettre en place un catalogue d’indicateurs dès le début
- Automatiser autant que possible
- Piloter le coût de conformité
- Itérer progressivement : commencer par un périmètre restreint, puis étendre
Conclusion
« Se conformer tout en innovant » n’est pas une contradiction.
En 2025, la réglementation — qu’il s’agisse de la CSRD, du RGPD ou des obligations de reporting bancaire (EBA) — pousse les entreprises à structurer leurs données, automatiser leurs processus, et améliorer la qualité.
Ces chantiers peuvent devenir des fondations d’innovation : catalogues sémantiques, pipelines fiables, systèmes ESG interconnectés.
Les organisations les plus agiles verront dans la conformité non une charge, mais un levier pour gagner en confiance, transparence et performance.
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